Le 27 octobre 2005 disparaissait Georges Guingouin reconnu comme premier résistant un homme qui s'est levé pour dire "NON"
"Georges Guingouin est né en 1913 à Magnac-Laval, un village du nord de la Haute-Vienne. Il a tout juste 18 mois quand son père est fauché, parmi les premiers morts de la Grande Guerre, à la fin août 1914. Ce drame fondateur le conduit – comme beaucoup d’autres membres de cette génération d’orphelins – à rejoindre le Parti communiste, né du refus de la « boucherie impérialiste ». Durant les années trente, Georges Guingouin est instituteur et jeune responsable communiste local à Saint-Gilles-les-Forêts, aux confins de la Haute-Vienne et de la Corrèze. L’antifascisme devient le second moteur de son engagement. Il l’amènera à refuser, dans les faits, la politique collaborationniste que mène la direction du PC à la suite de la signature du pacte germano-soviétique.
Blessé au combat, il est hospitalisé à Moulins. Refusant d’être capturé, il s’échappe de l’hôpital au moment où les Allemands encerclent la ville, le 18 juin 1940. « Celui qui ne se rend pas a raison contre celui qui se rend », disait Péguy. Ainsi, Guingouin, la tête couverte de pansements, rejoint-il, peu après, son village de Saint-Gilles-les-Forêts. Immédiatement, il entre en résistance contre le régime de Vichy et réorganise le parti communiste clandestin.
En février 1941, son école de Saint-Gilles-les-Forêts est encerclée par les gendarmes et les policiers de Vichy. Echappant de justesse à l’arrestation, il va pendant trois ans et demi se cacher de ferme en ferme, aidé par sa connaissance du terrain et bénéficiant de la complicité des paysans de la région qui, pour sa haute stature, le surnomment « Le Grand », « Lo Grand » en patois limousin. Au milieu des bois du Limousin, il devient le « premier maquisard de France ». Stalinien, comme tout communiste de l’époque, mais pragmatique, il applique la justice sociale à la façon d’un Robin des Bois, taxant les profiteurs du marché noir pour aider les plus démunis, empêchant la réquisition du blé et des foins, sabotant usines et voies ferrées afin d’affaiblir la machine de guerre ennemie.
Parti seul, avec quelques fidèles camarades, il a rassemblé des centaines d’hommes durant les années 42 et 43 puis des milliers en 44. En août 44, nommé chef départemental des FFI, il regroupe sous ses ordres toutes les forces de la Résistance de la Haute-Vienne, soit 14 000 soldats
Plutôt que d’attaquer Limoges dans la foulée du débarquement, comme le lui ordonnait la direction du Parti communiste, Georges Guingouin fit encercler la ville. Le 21 août 44, grâce à sa patience et à l’intervention du consul de Suisse à Limoges, Jean d’Albis, il obtint la reddition des troupes allemandes, sans effusion de sang.
Entré dans Limoges en vainqueur, Georges Guingouin fut élu maire de la ville en 1945. Mais, deux ans plus tard, il perdit les élections face à l’ancien maire socialiste, Léon Betoulle. A partir de cette date, le Parti communiste, qui avait déjà tenté de le liquider physiquement pendant la guerre, choisit de lui régler son compte.
Pas un paria, mais un héros
Forte tête, ombrageux, voyant dans tout compromis une compromission, Guingouin refuse de reconnaître quelque erreur que ce soit dans sa conduite pendant la guerre face à un PCF qui veut occulter son rôle. Affrontant la direction de son Parti, il court alors à sa perte. Exclu, il est accusé par Jacques Duclos, alors n° 2 du PCF et homme de Moscou, d’avoir volé l’argent de la Résistance. A partir de 1953, redevenu simple instituteur dans l’Aube – le département de sa femme –, il est accusé, sans preuve, d’avoir participé à un meurtre crapuleux. Il est emprisonné, manque d’être assassiné, subit même un séjour en hôpital psychiatrique. Le Parti communiste tirait les ficelles pour le discréditer, puis le pousser à la mort.
Il est libéré en 1954, obtient un non-lieu en 1959 et redevient instituteur dans l’anonymat le plus total du côté de Troyes, bien loin de son Limousin natal. Désormais, il va consacrer toute son énergie à lutter contre l’oubli qui manque de l’ensevelir. Progressivement, avec le déclin du Parti communiste et le temps qui passe, il va réapparaître à Limoges les 21 août pour les cérémonies de la Libération de la ville. Ayant survécu à la plupart de ses ennemis, il verra ces dernières années les hommages s’accumuler, de la part de la ville de Limoges, qui baptise une rue de son nom, ou d’autres communes du Limousin. En juin dernier, affaibli mais debout, à 92 ans passés, il sera fait Commandeur de la Légion d’honneur. Ce n’est pas en paria mais en héros de la Résistance qu’il a été conduit à sa dernière demeure – vendredi dernier sous un ciel ombrageux, comme l’était « Le Grand » – dans le petit cimetière de Saint-Gilles-les-Forêts, au milieu des bois qui firent la légende du « Premier maquisard de France ». "