En pleine mobilisation contre la réforme des retraites, le gouvernement continue à accumuler les mauvais coups. Fin septembre, Christine Lagarde a présenté un projet de budget qui incarne l’idéologie sarkozyste : austérité pour les salariés, les classes moyennes et populaires, à savoir la grande majorité du pays ; et bacchanale pour la petite minorité des Français les plus riches.
Telle est la traduction gouvernementale du désormais célèbre slogan : « Pour la France d’en haut les couilles en or, pour la France d’en bas les nouilles encore ! » Car le budget 2011 — qui est l’un des comptes de la loi de finances sur laquelle les députés seront invités à se prononcer pour une première partie fin octobre —, est un plan de rigueur sans précédent. Que ne justifie même pas entièrement la crise, responsable d’un tiers du déficit 2010, le reste étant imputable aux inadmissibles cadeaux fiscaux du gouvernement aux ménages les plus riches et aux très grandes entreprises. Pire, ce budget va amplifier les conséquences de la crise, dont nos dirigeants ne tirent
aucune leçon, en mutilant le pouvoir d’achat des Français.
L’argent est le nerf de la guerre, et la façon dont le gouvernement l’utilise et le distribue est une représentation précise et cinglante de l’idéologie et du dogmatisme qui le guident. Une idéologie et un dogmatisme qui conjuguent injustice et inefficacité.
Injustice d’abord. Le budget proposé par le gouvernement fait peser de façon paroxystique tous les efforts sur les épaules des classes moyennes et populaires. Le « coup de rabot sur les niches fiscales » annoncé avec tonitruance par le gouvernement en est un exemple criant. Oui, il y a en France d’innombrables niches fiscales, qui permettent à de gros contribuables de payer moins d’impôts que leurs femmes de ménage. Mais ce n’est pas à ces niches que le gouvernement s’attaque.
Rien sur le bouclier fiscal qui représente pour les caisses de l’État un manque à gagner de 700 millions d’euros par an. Rien sur la baisse de TVA dans la restauration (3 milliards par an), dont on
sait qu’elle ne profite pas aux consommateurs. Rien sur la «niche Coppé», qui exonère d’impôts sur les sociétés (33,3%), les holdings en cas de vente de leurs filiales. Rien sur l’exonération des cotisations sur les heures supplémentaires (2,7 milliards par an) qui profitent de grosses entreprises qui n’hésitent pourtant pas à se débarrasser de leurs salariés. Exemple chez Sanofi qui a mis en place un plan seniors scandaleux. Les salariés de 55 ans ont été invités à débarrasser le plancher, contre une rente de 70% de leur salaire jusqu’à la retraite. Pas d’embauche, mais un surcroît de travail pour les salariés restants, ainsi qu’une économie de 30% sur la masse salariale pour l’entreprise et ses actionnaires. Sans compter la défiscalisation des heures de travail laissées vacantes par le départ des seniors et redistribuées sous forme d’heures supplémentaires au reste des salariés — quant aux pensions des salariés concernées par ce plan, elles diminueront mécaniquement.
Mais… pas touche à ces niches ! En revanche, haro sur l’avantage fiscal octroyé aux jeunes mariés ou pacsés — donc a priori une fois dans leur vie ! — que l’on estime à 500 millions d’euros contre les 700 millions du bouclier fiscal, qui génère chaque année une redistribution aux plus riches. Haro sur l’exonération de la contribution sur les revenus locatifs dont bénéficiaient les organismes HLM, ce qui va les conduire à baisser de 20 000 par an le nombre de constructions de logements neufs, et à diminuer la réhabilitations des logements existants. Haro sur le porte-monnaie des ménages, qui vont devoir subir une augmentation de la taxe sur les offres « Triple Play ». Haro sur l’environnement via une réduction de l’aide aux installations photovoltaïques ! Haro sur les collectivités locales via le gel des dotations globales de fonctionnement, alors que la dette de l’État à leur égard est déjà considérable. Haro sur les fonctionnaires dont on gèle massivement les salaires !…
Et l’on en vient à l’inefficacité et à l’imbécillité de ce budget dogmatique qui, à travers ces mesures injustes, rompt avec la relance de la consommation. Le gouvernement annonce d’ailleurs la couleur
en stoppant brutalement le plan de relance.
Les conséquences de tels choix sur la croissance sont évidentes. Le gel des salaires des fonctionnaires : c’est une baisse de leur pouvoir d’achat. Le gel des dotations aux collectivités territoriales : c’est une entrave à leur capacité à investir, notamment dans le bâtiment. Quant aux objectifs visés par le gouvernement, à savoir atteindre une croissance de 2% en 2011 et réduire le défi cit public de 7,8% en 2101 à 6% en 2011, ils ont déjà du plomb dans l’aile. Surtout lorsque l’on sait que depuis dix ans, la France n’a jamais réussi à réduire son défi cit de plus de 0,5% par an.
Injustice, inefficacité sont les deux conquérantes mamelles de ce budget 2011 !
Il masque en outre une forte hausse d’impôts. Car les quelques 10 milliards d’euros que compte empocher le gouvernement seront extorqués très majoritairement aux classes moyennes et populaires, à travers ces suppressions de défiscalisation et ces augmentations de taxes qui ne sont ni plus ni moins que des impôts.
À qui profite le crime ? D’abord, aux amis du président et aux actionnaires des grandes entreprises qui sont souvent les mêmes. Donc à une parti de son électorat. Et puis, évidemment à ceux du Front national que l’on aguiche, comme c’est le cas lors des mobilisations contre les retraites, en réprimant les mécontents, lycéens inclus, à coups de matraques et de flash-ball.
Ensuite, aux agences de notations, souvent dirigées par des amis du président. Le procédé est toujours le même : on met en place des réformes et un budget favorable aux nantis, et en retour les nantis distribuent les bons points, qui permettront à l’État d’emprunter à des taux moins élevés.
Chantage cyniquement élémentaire ! Là où le bât blesse, c’est qu’il va falloir faire comprendre à des Français de plus en plus au fait des magouilles gouvernementales, qu’à une époque où la France est riche, très riche, ils vont devoir s’asseoir sur un système social mis en place après la seconde guerre mondiale, à une époque où leur pays était détruit.
Et là effectivement, en matière de pédagogie, “l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur”. Car pour faire avaler une telle pilule, Monsieur Sarkozy n’aura surtout pas besoin d’instituteurs élévés au lait des Lumières et de la République, mais de grands prêtres élevés à celui de l’enfumage et de l’obscurantisme.
Alexie Lorca, secrétaire de section et conseillère municipale de Montreuil